La dépêche du midi ainsi que Le Parisien nous apprennent que Frère Ephraïm «est actuellement réfugié au Rwanda». Un moine français gourou d'une secte catholique réfugié au Rwanda ? Etonnant ? Pas tant que cela. Il faut savoir que le Rwanda qui a été colonisé successivement par l’Allemagne et la Belgique, a surtout été colonisé de facto par l’Eglise catholique, et en particulier par la congrégation des Pères Blancs, une congrégation française.
Installée au Rwanda en 1900 [3], six ans après que les Rwandais ont découvert les premiers européens, elle a modelé le pays à son image, diffusant sa pudibonderie, sa morale du XIXème siècle (les Pères blancs avaient une des vision la plus rétrograde de l'Eglise catholique) et sa vision du monde très primitive (ce sont les Pères blancs qui ont, entre autres, enseigné aux élèves rwandais la théorie hamitique). Pendant un demi-siècle ils ont été les seuls à instruire les Rwandais, puis les seuls principaux acteurs économiques du pays, l’Eglise est encore aujourd’hui la principale propriétaire au Rwanda après l’Etat.
Le Rwanda, plus d’un siècle après l’arrivée de l'évêque français Mgr Hirth [3] est plus que jamais le pays des mille églises. Il ne se passe pas un jour sans qu’un missionnaire chrétien ne débarque à l’aéroport de Kanombe (désormais surtout en provenance des Etats-Unis), sans qu’une nouvelle «église» ne se crée, sans qu’un nouveau prophète n’ouvre sa boutique en s’autoproclamant messager de Dieu, Jésus ou autre Zion…
Il était donc naturel que Frère Ephraïm trouve refuge au Rwanda et y prospère. Mais s’il décide d’y rester [4], il pourrait devenir le premier français en cavale réfugié au Rwanda. Sachant que le Rwanda réclame en vain plusieurs rwandais suspectés du crime de génocide, réfugiés eux, en France, il pourrait être tentant pour les autorités rwandaises de refuser à leur tour l’extradition d'un fugitif français vers la France. C’est tentant, très tentant... Mais non, que le Rwanda reste digne et collabore le mieux possible avec la police française. Le Rwanda ne doit pas devenir le sanctuaire des fugitifs français, moine ou pas.
Il ne serait pas sain que nos autorités suivent l’exemple de la France qui donne l’asile à des Rwandais recherchés par leur pays, des hommes accusés de génocide, de crimes contre l’humanité, de viol, de torture.
Et puis, est-ce que le Rwanda a besoin de frère Ephraïm et d'une secte de plus : la Communauté des Béatitudes ?
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MISE A JOUR : Gérard Croissant dit frère Ephraïm est reparti du Rwanda le 3 novembre 2008, il est arrivé à Paris le 4 novembre (source Nouvel Observateur). Les autorités rwandaises ont-elles expliqué à frère Ephraïm qu'un homme recherché par la justice de son pays n'avait pas sa place au Rwanda ? Oui. Il a été signifié à Gérard Croissant qu'il ne pouvait plus rester au Rwanda.
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[1] Une secte au sein de l’'Eglise catholique ? Nouvel Observateur, 29/03/2007. La secte qui prospère avec la bénédiction de l'Eglise, le Canard Enchainé, 17 janvier 2007.
[2] Voir Scandale pédophile dans la communauté religieuse des Béatitudes, le Figaro, 8 février 2008 et Un religieux reconnaît une cinquantaine d'agressions, le Parisien, 18 février 2008.
[3] Lire absolument le méconnu « De novembre 1899 à février 1900. Premier voyage de Mgr Hirth au Rwanda » de P. Stefaan Minnaert, malheureusement seulement disponible au Rwanda ou sur commande.
[4] Dans un courrier adressé il y a un mois à l'ensemble des membres des Béatitudes, il explique son peu de foi dans la justice des hommes, et cite la Bible : « Lorsque vous avez un différend entre vous, comment osez-vous le faire juger par des païens et non par les saints ? » [Le Parisien, 18 février 2008]