31/12/2008

Madame Alison Des Forges, vous êtes la bienvenue au Rwanda.

Alison Des Forges est à l’origine de ce qui est, à ce jour, le meilleur rapport écrit sur le génocide des Tutsi du Rwanda. Leave None to Tell the Story [Aucun témoin ne doit survivre] de l’organisation Human Right Watch est une référence pour tous ceux qui s’intéressent au génocide des Tutsi. Leave None to Tell the Story est abondamment cité par les meilleurs chercheurs sur la question, notamment par Jean-Paul Kimonyo, auteur de « Rwanda, un génocide populaire » et décrié bien entendu par tous ceux qui veulent « réviser » l’histoire du génocide. Alison Des Forge a, en outre, été citée comme «témoin-expert» par le Procureur du TPIR dans de nombreux procès dont celui de Théoneste Bagosora.

Pourtant, Alison des Forges, membre dirigeante de Human Right Watch, s’est vue refusée l’entrée au Rwanda le 2 décembre dernier pour « des motifs personnels » selon Anaclet Kalibata, le directeur de l’immigration du Rwanda, alors même qu’en tant que citoyenne américaine, elle n’a pas besoin de visa d’entrée (voir The New Times du 30 décembre 2008). Si on parle de motifs personnels, le Rwanda devrait plutôt décorer Madame Des Forges, il devrait plutôt la célébrer et l’accueillir comme il se doit.

Alison Des Forges s’est récemment battue pour que des Rwandais accusés de génocide ne soient pas extradés vers le Rwanda, elle a émis des critiques sévères sur le système judiciaire rwandais, c’est certainement ce qui lui a valu ce refus d’entrée au Rwanda. Je ne suis personnellement pas du même avis que Madame Des Forges car j'estime que justice doit être rendue devant les victimes du génocide, devant les Rwandais, au Rwanda, afin de sensibiliser les générations futures.  Le procureur de la République du Rwanda, Martin Ngoga, a permis à la justice rwandaise de faire des avancées importantes, il est encore prêt à donner toutes les garanties nécessaires pour que des procès de Rwandais extradés soient possibles au Rwanda (voir The New Times du 23 novembre 2008). Je ne suis pas d'accord avec Madame Des Forges, pourtant je respecte son point de vue et je souhaite qu’elle puisse l’exprimer, même au Rwanda, surtout au Rwanda.

Si le Rwanda a manqué à ses obligations d’hospitalité envers Alison Des Forges, il a surtout commis une faute politique. Refouler une militante des droits de l'homme aussi respectée ne résoudra pas les problèmes du Rwanda. Bien au contraire. La communauté internationale mais surtout le nouveau président des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama, pourrait croire que le Rwanda n’est pas prêt au débat démocratique et pourrait être tenté de retirer son soutien indispensable à notre pays. 

Et ce n'est pas avec ce type d'acte politique que le Rwanda pourra convaincre les juges internationaux que des procès équitables sont possibles dans notre pays.

19/12/2008

Théoneste Bagosora et les «massacres excessifs».

Théoneste Bagosora ne croit pas au génocide : « je ne crois pas au génocide […] la plupart des gens raisonnables admettent qu'il y a eu des massacres, des massacres excessifs, dont il faut trouver une explication. »[1]

Les Juges du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Erik Møse, Jai Ram Reddy et Sergei Alekseevich Egorov, ont entendu 242  témoins, durant les 409 jours d'audience du procès dit «des militaires », examiné 1600  pièces à convictions, lu 4500 pages d'écritures des Parties. Ils ont trouvé une explication : Théoneste Bagosora a organisé le génocide des Tutsi et l'assassinat des opposants Hutu au régime Habyarimana[2], il s'est également rendu coupable de l'assassinat de dix casques bleus belges[3] dans le but, réussi, de faire fuir du Rwanda, le meilleur bataillon de la MINUAR, le bataillon belge Kibat qui aurait peut-être pu stopper le génocide. Théoneste Bagosora a été condamné à la prison à vie pour génocide, crime contre l'humanité et crime de guerre, avec ses deux co-accusés le colonel Nsengiyumva et le commandant Ntabakuze.

Hier soir, le 18 décembre 2008, j'ai eu une pensée pour vous mes parents, ma sœur, mon frère, ma belle-sœur, ma grand-mère, mes tantes, oncles et cousins, mes amis Tutsi et Hutu, vous tous  que j'aimais, et qui avez  été exterminés, certains avec vos bébé dans les bras, parce que vous étiez Tutsi, tout simplement, ou parce que vous étiez Hutu, et que vous vous opposiez à l'idéologie ethniste du dictateur Habyarimana. Cela s'appelle le massacre des opposants Hutu, un crime contre l'humanité. Cela s'appelle un génocide, le génocide des Tutsi. 

Abanjye mwese, abavandimwe, inshuti, muhumure, Bagosora yaratahuwe[4].

 

A écouter sur le site de France Inter ou en vidéo sur Dailymotion, Patrick de St Exupéry et Esther Mujawayo. Patrick de St. Exupéry y évoque notamment le jour où il a entendu Bagosora au TPIR, à Arusha parler de « massacres excessifs ».

[2] La Première Ministre Agathe Uwilingiyimana, Joseph Kavaruganda,  Président de la Cour Constitutionnelle, Frédéric Nzamurambaho (ministre de l'agriculture et leader du parti PSD) et Faustin Rucogoza (ministre de l'information et membre de la partie modérée du MDR). Ainsi que Landoald Ndasingwa (ministre du travail et des affaires sociales et leader du parti PL) Tutsi et opposant politique tué avec sa femme canadienne, ses deux enfants et sa belle-mère.

[3] Lieutenant Lotin, Sergent Leroy, Caporal Bassine, Caporal Dupont, Caporal Lhoir, Caporal Debatty, Caporal Meaux, Caporal Plescia, Caporal Renwa et Caporal Vyttebroeck.

[4] Réconfortez-vous, ma famille, mes amis, tous les miens, Bagosora a été confondu.