23/05/2009

« Tous les Tutsi doivent mourir », hurlait Munyaneza à ses miliciens.

Rue commerçante de Butare, non loin de chez Désiré Munyaneza (photo Kagatama).

On l'appelait Gikovu [le balafré]. Fils de Munyagasheke, prospère commerçant de Butare, ce diplomé en économie utilisa son argent pour faire régner la terreur dans la ville en recrutant des miliciens Interahamwe, des tueurs, des barbares. Désiré Munyaneza assassina de ses mains des hommes, des femmes ainsi que des enfants de 4 ou 5 ans qu'on lui emmenait enfermés dans des sacs. Armé d'un gourdin, avant de frapper ces petits êtres terrorisés, il « soulignait que si l'on veut tuer un serpent, il faut frapper à la tête ». « Tous les Tutsi doivent mourir », hurlait-il à ses miliciens, avant d'exécuter quatre hommes à la barrière devant le restaurant «Chez Venant» . En compagnie de ses miliciens, alors qu'il se savait atteint du sida, il a également violé de nombreuses jeunes filles Tutsi car comme le soulignent les juges, « la violence sexuelle était une étape dans le processus de destruction du groupe tutsi, destruction de son moral, de la volonté de vivre de ses membres, et de leurs vies elles-mêmes ».

C'était le temps du génocide, le temps où on exterminait les Tutsi. C'était l'heure de gloire de Gikovu. Je suis certaine que dans sa prison canadienne, cette brute doit se rappeler le bon vieux temps des massacres, le temps où il se prenait pour Dieu.

Arrivé au Canada avec un faux passeport camerounais il pensait y connaître une vie heureuse et paisible. C'est sans doute ce qui serait arrivé, sans la vigilance et l’opiniâtreté de Jean-Paul Nyilinkwaya. Jean-Paul est le fils du vice-président du parti PL, assassiné en avril 1994 pendant que sa mère, blessée par balle, fùt laissée pour morte. Depuis 1994, il mène au Canada un combat admirable contre l’impunité et pour la mémoire des nôtres, notamment via l'association Page-Rwanda (Association des Parents et Amis des Victimes du Génocide des Tutsis au Rwanda).

Le 22 mai 2009, la chambre criminelle de Montréal a reconnu Désiré Munyaneza coupable d'avoir commis l'acte criminel de génocide, l'acte criminel de crime contre l'humanité et l'acte criminel de crime de guerre. Le Canada figure désormais sur la liste des pays occidentaux ayant jugé un rwandais pour génocide. Ne reste plus à ce pays que d'appliquer la décision du 28 juin 2005 de sa propre cour suprême : l’extradition de Léon Mugesera, l’auteur d’un des discours les plus dévastateurs de l’histoire rwandaise.

--------------------------------------------------------------------

Lire la décision Munyaneza du 22 mai 2009 et « Désiré Munyaneza, une condamnation historique », l'article d'André Noël paru le 23 mai 2009 dans le journal canadien La Presse.