10/11/2008

Rwanda. La France va-t-elle oser juger Rose Kabuye ?


Le major Rose Kabuye, en juillet 1994

Le 3 novembre 2008, l’Allemagne libérait Callixte Mbarushimana et Onesphore Rwabukombe, deux Rwandais pourtant accusés de génocide, en plus de cette accusation, le premier est également le secrétaire exécutif adjoint du FDLR un mouvement rebelle sévissant au Congo et qui est considéré comme terroriste par les Etats-Unis d’Amérique (voir la liste).

Le 9 novembre 2008, l’Allemagne a arrêté Rose Kabuye, chef du protocole du chef de l’Etat rwandais, sur la base d’un mandat d’arrêt émis par un juge français, Rose Kabuye ne s’est pas opposée à son extradition vers la France. Le juge Bruguière l’accuse d’avoir participé à l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du général major Juvénal Habyarimana, et d’avoir conséquemment causé la mort de trois ex-militaires français le major Jacky Heraud, le commandant Jean-Pierre Minaberry et l'adjudant-chef Jean-Marie Perrinne qui pilotaient l’avion (lire l’Express, 21 novembre 2006). Piloter l’avion d’un dictateur africain dans un pays en guerre, c’est très bien rémunéré, mais c’est dangereux. Ces hommes savaient ce qu’ils risquaient, tout comme les militaires français qui sont morts en service durant la guerre qu’ils menaient contre le FPR au nord du Rwanda, au début des années 1990[1].

Rose Kabuye qui a contribué à arrêter le génocide lorsqu’elle était major dans la rébellion en 1994, sera-t-elle la première rwandaise à être jugée en France ?

Rappelons que la France héberge, depuis 14 ans, des Rwandais accusés par des dizaines de rescapés du génocide, par des associations de droits de l’homme, mais aussi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta), pour leur participation présumée au génocide des Tutsi. Aucun n’a été jugé alors que la France est compétente pour le faire suivant la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 . Ces hommes sont pourtant accusés, il faut le répéter, de génocide, de crimes contre l’humanité, de viols, d’assassinats... Oui, mais contre des Rwandais.

La France, « pays-des-droits-de-l’homme », va-t-elle oser montrer au monde entier, qu’elle attache beaucoup plus d’importance à la mort de trois de ses militaires, tués alors qu’ils servaient un dictateur, dans un pays en guerre qui n’était pas le leur, qu’à la mort de centaines, voire de milliers (dans le cas du préfet Bucyibaruta) de civils rwandais, exterminés froidement parce qu’ils avaient le tort d’être qualifiés de Tutsi ? La France va-t-elle encore longtemps supporter la honte d’être le pays au monde ayant sur son territoire le plus grand nombre de Rwandais accusés de génocide ?[1]
Nous, les rescapés du génocide, nous les nègres, nous les bougnoules, nous rêvons encore que l’esprit des Lumières devienne réalité. Le très bel article premier de la Déclaration des droits de l’homme, le fameux « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » fait très joli sur la cheminée de la France, mais il prend la poussière.



[1] Ils ont été tous les trois décorés le 7 juin 1994 à titre posthume au grade de chevalier de la Légion d'honneur "tués dans l'accomplissement de leur devoir le 7 avril 1994". (voir le Journal Officiel du 14 juin 1994). Lire également l'article de S. Smith du 7 avril 1995 dans Libération.