14/11/2008

Rwanda : il faut soigner le soldat Ruzibiza.



Abdul Joshua Ruzibiza, est longtemps resté cet homme en uniforme posant gentiment devant une bucolique photo alpestre. Cette image un peu ridicule a fait le tour des sites web des nostalgiques de Juvénal Habyarimana du monde entier. Car ce militaire qui avait rejoint la guérilla du FPR et terminé la guerre en juillet 1994 comme simple sergent-infirmier, prétendait avoir été «infiltré» dans Kigali en février 1994 en tant que membre d’un commando d’élite « le network commando » pour participer à l’organisation de l’attentat contre l’avion d’Habyarimana. Il s’est trouvé des personnes, pour l’aider à écrire un livre, racontant son aventure, cela donnera «Rwanda : l'histoire secrète». Que cet homme, dont toute la famille a été exterminée par les extrémistes Hutu, ne s’attarde pas sur le génocide des Tutsi, qu’il prétende qu'un imaginaire « génocide des Hutu » est l’événement le plus important de 1994, qu’il déclare que ce sont des Tutsi déguisés en Interahamwe qui ont organisé le génocide des Tutsi, tout cela n’a pas fait bronché ses «ghostwriters». Après la publication de son livre, Ruzibiza est devenu une icône dans les milieux négationnistes du génocide des Tutsi.

Ruzibiza lorsqu’il vivait au Rwanda était déjà perturbé mentalement, sans doute après le choc psychologique qu'il a subi après la perte de la totalité de sa famille dans le génocide des Tutsi, il a fait plusieurs séjours au centre psychiatrique de Ndera. Il a également eu des problèmes avec la justice de son pays, et à sa sortie de prison où il a passé un an pour détournement de fonds, il s'est enfui en Ouganda. C’était en février 2001.

Deux ans plus tard, les militaires français de l’Opération Artémis au Congo installaient à l’aéroport d'Entebbe en Ouganda, une base logistique. Très vite Ruzibiza prend contact avec des Français. On le prend au sérieux lorsqu’il raconte son histoire de «network commando». On le chouchoute, on le dorlote et, surtout, on l’écoute. Miracle, on lui promet un visa, un billet pour Paris et l’asile politique en Norvège, un des pays les plus riches du monde qui assure des conditions exceptionnelles pour les réfugiés. Alors il parle, il relate dans les moindres détails toute l'organisation de l'attentat, il associe même dans son récit un copain de régiment, Emmanuel Ruzigana, désireux comme lui de voir du pays. Le juge Bruguière lui donnera le rôle de «chargé de la protection du site de tir de missiles depuis la colline de Masaka» dans le «Network commando», il a lui aussi obtenu des autorités françaises le package France-Norvège. Emmanuel Ruzigana se rétractera le 30 novembre 2006 dans un courrier adressé au Juge Bruguière. Bien entendu, Abdul Joshua Ruzibiza se contredit sans cesse, son histoire est truffée de faits complètement invraisemblables pour qui connaît un peu le Rwanda. En premier lieu, l'impossibilité pour un homme comme lui (inconnu du cercle restreint du pouvoir militaire du FPR, composé essentiellement de Rwandais venus d'Ouganda) d'avoir été admis de près ou de loin dans des opérations ultra-secrètes, mais les enquêteurs français ignorent tout du Rwanda. La journaliste Colette Braeckman, spécialiste de l'Afrique centrale qui l’a rencontré au même moment en Ouganda est tout de suite convaincue, elle, que Ruzibiza n’est pas crédible (Le Soir, 11 mars 2004).

Les policiers français, dont un certain Pierre Payebien auraient envoyé les déclarations de Ruzibiza au Juge Bruguière qui, comme son disciple Pierre Péan, dédaigne tellement l’Afrique, les Rwandais et leur histoire qu’il ne prend même pas la peine d’enquêter et de vérifier le témoignage de Ruzibiza, devenu désormais son «témoin-clé». Après tout l’histoire du Rwanda c’est simple, ce sont des sauvages qui s’entretuent, non ?

Les quelques journalistes spécialistes du Rwanda sont eux très sceptiques. A l’exception de Stephen Smith qui écrit dans Le Monde du 10 mars 2004 : « Le témoignage d'un ancien membre du "network commando", le capitaine Vénuste Josué Abdul Ruzibiza, est au cœur de l'enquête de la justice française corroborant diverses dépositions plus fragmentaires, ce récit détaillé rend toute sa cohérence à un acte terroriste, aussi décisif pour la prise de pouvoir du FPR que funeste pour les "Tutsis de l'intérieur". […] Appartenant au groupe 1 du "network commando", Abdul Ruzibiza dit avoir effectué les repérages pour l'attentat».


Quant aux Rwandais, ils sont unanimes pour penser que même si le FPR avait organisé un attentat contre Habyarimana, il y avait autant de chance pour Ruzibiza de faire partie d’un hypothétique «network commando» d’élite, que d'être nommé chef d’état major de l’armée rwandaise. Les opposants rwandais au gouvernement du Rwanda, le savent également, mais ils ne font pas la fine bouche et tout comme ils ont utilisé Antoine Nyetera le «Tutsi-de-la-famille-royale-qui-nie-le-génocide», ils ont accueilli à bras ouverts Abdul Joshua Ruzibiza, «le-transfuge-du FPR-qui-a-participé-à-l’attentat-contre-Habyarimana».

Le 12 novembre 2008, Ruzibiza a accordé une interview à Contact FM, une radio rwandaise proche du pouvoir. Il vient de déclarer qu’il a tout inventé à 100%, dans son livre et devant les juges, pour, dit-il, tester jusqu’où pouvait aller la haine des Français contre le Rwanda et les Tutsi [1] et parce qu’il avait un différend avec le FPR, il ne peut pas s’empêcher d’ajouter une nouvelle «révélation» : ce serait les FDLR qui l’auraient mis en contact avec les Français en Ouganda. Et les journalistes de Contact FM de noter religieusement ce que dit Ruzibiza comme des dévots noteraient les révélations de Bernadette Soubirous. On peut déjà lire dans The New Times du 13 novembre [2] le nouveau scoop : la France est de connivence avec les FDLR, la preuve ? Ruzibiza l’a dit. Restons sérieux. La seule chose que prouve cette interview, c’est ce qu’on savait déjà, à savoir que Abdul Joshua Ruzibiza est un mythomane qui a été utilisé. Mais il est absurde d’essayer de prendre au sérieux ses « nouvelles révélations ».

Ruzibiza a ajouté qu’il est prêt à supporter toutes les conséquences de son mensonge. C’est préférable, car le Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda, pourrait l’inculper pour « outrage au Tribunal », suivant l’article 77 du règlement de procédure et de preuve «le Tribunal peut déclarer coupable d’outrage les personnes qui entravent délibérément et sciemment le cours de la justice ». Abdul Joshua Ruzibiza avait témoigné les 9 et 10 mars 2006 pour la défense des militaires Bagosora, Kabiligi, Ntabakuze et Nsengiyumva dans l’affaire Bagosora et consorts ICTR-98-41-T, il avait raconté devant le TPIR ce qu’il dit être aujourd’hui un mensonge monté de toute pièce. S’il est déclaré responsable pénalement (nul doute qu’il devra subir un examen psychiatrique) il encourt une peine de 5 ans d'emprisonnement ou une amende de 10 000 $ ou les deux.

Reste le livre, « Rwanda : l'histoire secrète » dont les collectionneurs de curiosité ne vont pas tarder à s’arracher les derniers exemplaires. Aujourd’hui on ne peut que conclure à l’option numéro 1 offerte par André Guichaoua et Stephen Smith dans leur article «Rwanda : une difficile vérité» paru dans le journal Libération, du 13 janvier 2006 :

De deux choses l'une : soit ce récit est une affabulation révisionniste, et il mériterait d'être dénoncé comme tel (en même temps que les deux chercheurs spécialistes du Rwanda qui l'ont cautionné) [3] ; soit le livre du lieutenant Ruzibiza vient corroborer tout un faisceau d'indices et de témoignages concordants et alors il devrait aussi porter à conséquence.
Version française de l'interview de Abdul Joshua Ruzibiza sur Contact FM:

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Lire également : "Rwanda, les mauvais procès du génocide", Christophe Ayad, Libération, 19 novembre 2008, "L'enquête à la machette du juge Bruguière", Sylvie Coma, Charlie Hebdo, 26 novembre 2008 et "Rwanda: l'homme qui en disait trop" Le Nouvel Observateur, 12 mars 2009.



[1] Par curiosité je voulais vraiment savoir jusqu'à quel point les militaires français, les politiciens français de l'époque détestaient la population Tutsi et le régime actuel, c'est ça qui était ma propre motivation. Je voulais savoir pourquoi ils nous haissent, pourquoi ils ne veulent pas de nous et pourquoi ils font tout pour renverser le pouvoir en place.
[2] [Ruzibiza] reveals French connection with FDLR..
[3] André Guichaoua, lui-même (!) et Claudine Vidal

10/11/2008

Rwanda. La France va-t-elle oser juger Rose Kabuye ?


Le major Rose Kabuye, en juillet 1994

Le 3 novembre 2008, l’Allemagne libérait Callixte Mbarushimana et Onesphore Rwabukombe, deux Rwandais pourtant accusés de génocide, en plus de cette accusation, le premier est également le secrétaire exécutif adjoint du FDLR un mouvement rebelle sévissant au Congo et qui est considéré comme terroriste par les Etats-Unis d’Amérique (voir la liste).

Le 9 novembre 2008, l’Allemagne a arrêté Rose Kabuye, chef du protocole du chef de l’Etat rwandais, sur la base d’un mandat d’arrêt émis par un juge français, Rose Kabuye ne s’est pas opposée à son extradition vers la France. Le juge Bruguière l’accuse d’avoir participé à l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du général major Juvénal Habyarimana, et d’avoir conséquemment causé la mort de trois ex-militaires français le major Jacky Heraud, le commandant Jean-Pierre Minaberry et l'adjudant-chef Jean-Marie Perrinne qui pilotaient l’avion (lire l’Express, 21 novembre 2006). Piloter l’avion d’un dictateur africain dans un pays en guerre, c’est très bien rémunéré, mais c’est dangereux. Ces hommes savaient ce qu’ils risquaient, tout comme les militaires français qui sont morts en service durant la guerre qu’ils menaient contre le FPR au nord du Rwanda, au début des années 1990[1].

Rose Kabuye qui a contribué à arrêter le génocide lorsqu’elle était major dans la rébellion en 1994, sera-t-elle la première rwandaise à être jugée en France ?

Rappelons que la France héberge, depuis 14 ans, des Rwandais accusés par des dizaines de rescapés du génocide, par des associations de droits de l’homme, mais aussi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta), pour leur participation présumée au génocide des Tutsi. Aucun n’a été jugé alors que la France est compétente pour le faire suivant la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 . Ces hommes sont pourtant accusés, il faut le répéter, de génocide, de crimes contre l’humanité, de viols, d’assassinats... Oui, mais contre des Rwandais.

La France, « pays-des-droits-de-l’homme », va-t-elle oser montrer au monde entier, qu’elle attache beaucoup plus d’importance à la mort de trois de ses militaires, tués alors qu’ils servaient un dictateur, dans un pays en guerre qui n’était pas le leur, qu’à la mort de centaines, voire de milliers (dans le cas du préfet Bucyibaruta) de civils rwandais, exterminés froidement parce qu’ils avaient le tort d’être qualifiés de Tutsi ? La France va-t-elle encore longtemps supporter la honte d’être le pays au monde ayant sur son territoire le plus grand nombre de Rwandais accusés de génocide ?[1]
Nous, les rescapés du génocide, nous les nègres, nous les bougnoules, nous rêvons encore que l’esprit des Lumières devienne réalité. Le très bel article premier de la Déclaration des droits de l’homme, le fameux « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » fait très joli sur la cheminée de la France, mais il prend la poussière.



[1] Ils ont été tous les trois décorés le 7 juin 1994 à titre posthume au grade de chevalier de la Légion d'honneur "tués dans l'accomplissement de leur devoir le 7 avril 1994". (voir le Journal Officiel du 14 juin 1994). Lire également l'article de S. Smith du 7 avril 1995 dans Libération.

03/11/2008

Rwanda : « Le tortionnaire » a été arrêté.

Son nom faisait peur. Son surnom encore plus. « Le tortionnaire » comme tout Kigali l’appelait, avait gagné son surnom à cause du plaisir sadique qu’il trouvait à assister aux tortures dont peu de Rwandais sont sortis vivants. Le capitaine Pascal Simbikangwa redoublait de zèle dans son travail de chef des renseignements militaires et de la criminologie à la présidence du général Juvénal Habyarimana. Il pouvait déclarer « suspect » des dizaines de Rwandais accusés du seul «crime» d’avoir critiqué son patron, le général Habyarimana ou d’avoir la mention ethnique «Tutsi» non barrée sur leur carte d’identité et de s’être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.

Le capitaine Pascal Simbikangwa est une célébrité. Christophe Mfizi nous dit dans son rapport « Le réseau zéro, fossoyeur de la démocratie et de la république au Rwanda (1975-1994) », comment « le redoutable capitaine Pascal Simbikangwa » l’a menaçé. Filip Reyntjens dans une note déposée comme preuve dans l’affaire Rutaganda (TPIR) le présente comme un membre des «escadrons de la mort» . Il était connu en particulier pour exécuter les ordres de son beau-frère, le colonel Elie Sagatwa membre éminent de l'Akazu[1]. Le 27 mars 1992, l’ambassadeur de Belgique au Rwanda, Johan Swinnen le désigne, dans un télex adressé à son ministre de tutelle Willy Claes, comme étant membre d’un « état-major secret chargé de l’extermination des Tutsis du Rwanda afin de résoudre définitivement, à leur manière, le problème ethnique au Rwanda et d’écraser l’opposition hutue intérieure» (Commission d'enquête parlementaire concernant les évènements du Rwand-Sénat de Belgique). Le «Rapport de la commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 (7-21 janvier 1993)» évoque le capitaine Simbikangwa comme un tortionnaire. L’ONG américaine Human Right Watch rapporte dans son bilan de l’année 1993 au Rwanda que Monique Mujawamariya, une militante rwandaise des droits de l’homme « a été menacée de mort par le Capt. Pascal Simbikangwa connu pour avoir torturé plusieurs personnes détenues par les services secrets [2] ». Les auteurs de l’excellent ouvrage «Les médias du génocide » nous racontent l’épisode de la création du journal « L’indomptable Ikinani»[3] par Pascal Simbikangwa. Ce journal trop haineux sera retiré de la vente à la demande de feu Agathe Uwilingiyimana alors premier ministre. Toujours dans le même livre on trouve une caricature le montrant en train de torturer le journaliste Boniface Ntawuyirushintege, rédacteur en chef d'un journal d'opposition (sur cet évènement lire le rapport d'Eric Gillet et André Jadoul pour le CRDDR, page 21). Le 23 mars 1994, Joseph Kavaruganda, président de la cour de cassation, alertait le président Habyarimana sur les menaces de mort du capitaine Pascal Simbikangwa à son encontre. Joseph Kavaruganda sera assassiné 18 jours plus tard, le 7 avril 1994, par des membres de la garde présidentielle (courrier de Joseph Kavaruganda, 23/03/94).

« Le tortionnaire » s’est même cru touché par la grâce de l’écriture, il a publié deux livres « L’homme et sa croix » (1989) et « La guerre d’octobre » (1991). Si on reste sur sa faim au niveau littérature, on peut découvrir plusieurs aspects intéressants de sa personnalité grâce à son premier livre : « un pistolet 9mm dont j’allais bientôt maîtriser les secrets, une mitraillette Uzi qui commençait à me devenir un compagnon de choix, débarquer ou embarquer dans une voiture roulant à grande vitesse avec possibilité de me recueillir et me défendre aisément, et ma volonté farouche des VIP, tout cela me faisait revivre les temps héroïques de mes ancêtres.» […] « Je suis né guerrier et je devrais le rester tant que je vivrais, car cette lutte, ce combat sans merci que la survie (sic), je la mène avec détermination et dans un idéal de toujours chercher à mieux faire. Je suis donc guerrier et je ne le suis d’ailleurs que trop car dans l’acceptation de ma vie où je dois faire preuve de mon sang froid, de courage exceptionnel aux yeux de l’environnement qui ne cesse de s’en étonner malgré ce terrible 28 juillet 1986 [4]»[...] «Dans une soirée, un mec de la 3ème année est venu à côté de mon lit et dit : - Mais toi tu as un nez de «fallacha»![5]Heureusement que j'étais encore de ce sang inarrrêtable ! J'ai tout de suite piqué une colère de buffle. Il a dû avaler deux hypercutes qui l'ont rendu si impuissant qu'il est devenu par après mon grand copain ! On ne nait jamais nerveux, on le devient.»
Dans son acte d’accusation publié le 3 mars 2008, le procureur général du Rwanda l’accuse de «génocide, complicité de génocide, complot de génocide, assassinat et extermination », pour des actes qu’il aurait commis à Kigali et à Gisenyi à partir d’avril 1994.


«L'inarrrêtable» capitaine Pascal Simbikangwa a été arrêté le 28 octobre 2008 à Mayotte, France. C'est en 2005 qu'il décida de séjourner en France, auparavant il vivait en République fédérale islamique des Comores. Un pays où le frère d’Agathe Habyarimana, Séraphin Rwabukumba (il est accusé par plusieurs sources d’être membre du réseau zéro) a longtemps vécu et où il fait des affaires. Au vu de son handicap, on a longtemps cru que Pascal Simbikangwa n'avait pas survécu aux rigueurs des camps du Zaïre, c'est peut-être pour cela que son nom n'a pas fait partie des premiers actes d'accusations du TPIR. Il faut dire également que «le tortionnaire» avait pris le soin de vivre sous une fausse identité : Safari Sedinawara.

Lorsqu’on s’appelle Pascal Simbikangwa et qu’on est recherché par Interpol, est-ce judicieux de choisir la France « pays-des-droits-de-l’homme » plutôt que la République fédérale islamique des Comores plus connue pour ses coups d’états et sa corruption que pour sa démocratie ? Curieusement, oui. La France est très attractive pour les Rwandais accusés de génocide, c’est le pays au monde ayant sur son sol le plus grand nombre (12) de Rwandais accusés de génocide[6] (en dehors du Rwanda), dont 10 recherchés par Interpol[7]. Tous ces Rwandais sont libres, aucun n'a été jugé et toutes les demandes d'extradition vers le Rwanda ont été refusées par les tribunaux français, à l’exception d’une seule autorisée par la Cour d’Appel de Chambéry mais ensuite cassée par la Cour de Cassation le 9 juillet 2008 (Affaire Claver Kamana). La France a en outre été condamnée le 8 juin 2004 par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour n'avoir pas jugé dans un délai raisonnable un Rwandais accusé de génocide. Plus de quatre ans après cette condamnation Wenceslas Munyeshyaka est encore très loin du box des accusés d'une Cour d’assise


Le capitaine Pascal Simbikanwgwa sera jugé en France, il n’y a aucun doute, mais il sera jugé pour....trafic de faux papiers, pas pour «génocide». Etre accusé de génocide, crime contre l'humanité, torture, viol, meurtre contre des Rwandais au Rwanda, n’empêche nullement de vivre paisiblement en France avec ou sans papiers. Plusieurs rwandais [8] accusés de génocide ont vu ainsi leur demande d’asile politique refusée par la commission de recours des réfugiés au motif « qu’il y a des raisons sérieuses de penser que X s’est rendu coupable d’un crime au sens de l’article 1er F, de l’article premier de la convention de Genève, et notamment d’un crime contre l’humanité » mais curieusement cela ne les empêche pas de résider et de travailler en France. Par contre, favoriser l'immigration clandestine en confectionnant des faux papiers cela ne pardonne pas au « pays-des-droits-de-l'homme ». « Le tortionnaire » va méditer longtemps son erreur, il risque 10 ans de prison pour cette infraction.


Malheureusement, ses victimes rwandaises n'auront pas encore la satisfaction de le voir devant un tribunal qui le jugerait pour «génocide». C’est dommage, car le procureur français aurait pu appeler à la barre Bill Clinton qui, le 30 avril 1994, lorsqu’il était président des Etats-Unis d’Amérique, avait appelé les leaders rwandaisà plus d'humanité ("to recognize their common bonds of humanity") sur la radio Voice of America (diffusée au Rwanda). Son National Secretary Advisor, Antony Lake, avait préalablement fait cette déclaration à la Maison Blanche, le 22 avril 1994: 

«We call on the leadership of Rwanda Army Forces, including Army-Commander in Chief Col. Augustin Bizimungu, Col Nkundiye, Capt Pascal Simbikangwa and Col. Bagosora, to do everything in their power to end the violence immediately».[9]

MISE A JOUR : Pascal Simbikangwa, premier Rwandais renvoyé devant les assises en France (source TV5). Le procès d'assises de Pascal Simbikangwa se tiendra du 4 février au 28 mars 2014.

NOTA: La caricature publiée dans le journal Umurangi le 10 février 1992 est reproduite dans le livre «Les médias du génocide», page 41, Editions Karthala, Jean-Pierre Chrétien (sous la direction) . Les photographies représentant Pascal Simbikangwa avant et après son accident de voiture sont des copies de son livre «L'homme et sa croix», éditions de l’Imprisco, déc. 1989.
Pour les rwandophones, lire l'article du journal Izuba : Kapiteni Simbikangwa yatawe muri yombi

1 Akazu : petite maison en kinyarwanda, mot désignant un cercle restreint composé de personnes proches du couple présidentiel qui exerçaient le pouvoir réel au Rwanda à l’époque du général Juvénal Habyarimana.
2 She [Monique Mujawamariya] was threatened with death by Capt. Pascal Simbikangwa, known to have tortured many persons detained by the secret police.
3 Ikinani : qui signifie l'invicible c'était le surnom des supporters du général Juvénal Habyarimana.
4 Il fait allusion au jour de l'accident de voiture qui l'a rendu paralysé. L’homme et sa croix, éditions de l’Imprisco, déc. 1989, pages 95, 111 et 114.

5 Les Tutsi étaient parfois surnommés ainsi par les extrêmistes Hutu en références aux juifs éthiopiens. Ils étaient également supposés avoir un nez plus long que les Hutu.
6 Marcel Bivugabagabo, Laurent Bucyibaruta, Isaac Kamali, Claver Kamana, Agathe Kanziga, Cyprien Kayumba, Stanislas Mbonampeka, Sosthène Munyemana, Wenceslas Munyeshyaka, Laurent Serubuga, Pascal Simbikangwa et Pierre Tegera. Voir le site du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda.