19/09/2008

Au Rwanda, le Tutsi est menteur et la femme Tutsi est une espionne, explique Pierre Péan



« Un pamphlet anti-tutsi » (Le Monde) ; « un brûlot aux relents nauséabonds » (Libération) ; un livre de « propagande » (La Libre Belgique) ; un livre « au fumet nauséeux » (Le Figaro) ;«un pamphlet sans nuances » (La Croix) ; « une thèse négationniste » (Regards), «le scandale Péan» (Jeune Afrique)... Nous sommes fin 2005, le livre « Noires fureurs, blancs menteurs » de Pierre Péan vient de paraître. Un an plus tard L’Humanité titra : «un livre de haine raciale» à la suite du dépôt de plainte des associations Ibuka et SOS Racisme pour « diffamation raciale et incitation à la haine raciale». Les audiences sont prévues les 23, 24 et 25 septembre prochain.

Pierre Péan et « la culture du mensonge des Tutsi ».

Pierre Péan qui considère les Hutu et les Tutsi comme deux races distinctes, nous dit que « la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsi, et dans une moindre part, par imprégnation chez les Hutus »[1]. Il convoque deux « experts », un Rwandais, Antoine Nyetera et un Belge, Paul Dresse.

Un chapitre entier de « Noires fureurs, blancs menteurs » est consacré à Antoine Nyetera qui est présenté comme « un historien Tutsi rescapé des massacres et descendant en ligne directe du mwami Kigeri III Ndabarasa[2]» et qui aurait « présenté un rapport intitulé « La vérité sur le conflit Hutu-Tutsi » devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda »[3]. Le dessinateur Nyetera est surtout connu au Rwanda pour avoir créé un timbre violemment anti-royaliste en 1969, à la demande du régime Parmehutu. Ce diplômé des beaux-arts n’a jamais été historien. D’ailleurs le 7 février 2002, lorsque la défense de Laurent Semanza a tenté de déposer le rapport d’Antoine Nyetera devant le TPIR, les juges ont refusé, considérant que « La Chambre, au vu des arguments et des preuves présentés au cours de l'audience de ce matin, et sur la base du curriculum vitae du témoin, considère que monsieur Nyetera ne peut être considéré comme un témoin-expert sur quelque question pertinente à l'affaire. Et il n'a pas présenté le niveau d'éducation, de formation, d'expérience dans quelque domaine d'expertise qui serait pertinent, qui serait utile à la détermination de l'affaire en cours.[4]»

Paul Dresse, serait quant à lui « un ancien agent territorial utilisant le langage colonial de l’époque » et « faisant partie des premiers Européens qui ont eu un contact prolongé avec les Tutsis »[5]. C’est faux. Cet aristocrate belge né en 1902, a effectué un seul et bref voyage touristique au Rwanda, à la suite duquel il a publié en 1940 une « petite étude historique » raciste et aux relents antisémites appelée « Le Ruanda, d’aujourd’hui ». Extraits choisis :

« A la différence des Bahutu, qui appartiennent à la famille bantoue, les Batutsi ne sont pas de vrais nègres, mais des Hamites (d’un mot arabe qui veut dire ardent, rougeâtre) ». (page 14)

« Durant de longs siècles, les voûtes de feuillage ont abrité sinon des hommes, du moins des humains : ces petits êtres malicieux qu'on nomme pygmées ou négrilles » (page 19).

« Une féodalité allait naître. Tandis que les conquérants, avec une souplesse toute sémitique, s'adaptaient aux particularités du pays - langue, moeurs, religion - ... » (page 21).

« Au stade actuel des recherches, on s'accorde à voir en eux des Hamites (d'un mot arabe qui veut dire ardent, cuivré), c'est à dire une variété rougeâtre de Sémites, d'ailleurs fortement négritisée. » (page 29).

Paul Dresse visiblement fasciné par les « sémites », les « hamites » et autres « négrilles » et «négritisés », adhérait aux idées d’extrême droite [6]. Sa « petite étude historique » publiée en 1940 est préfacée par Pierre Daye député du parti fasciste belge, le mouvement Rexiste.


Lorsque Pierre Péan cite Paul Dresse « ...c'est ce qui fait de cette race [les Tutsi] l'une des plus menteuses qui soient sous le soleil[7]» cela pourrait être comique puisqu’une partie de son livre repose sur des propos de personnes qui se disent Tutsi. Je ne vais pas tenter d’argumenter sur le thème « le Tutsi » n’est pas menteur, ce serait aussi ridicule que de développer sur celui du « Juif » qui n’est pas cupide, et de « l’Arabe » qui n’est pas voleur. Ce passage ne me fait pourtant pas rire. Le concept de «races» au Rwanda couplé à la « théorie hamitique » est un des fondements de l’idéologie du génocide qui stigmatisait « les Tutsi nilotiques hamites venus d’Abyssinie[8] ».

Léon Mugesera (cadre du parti MRND), lors de son discours à Kabaya, en préfecture de Gisenyi, le 22 novembre 1992, haranguait la foule en hurlant : «Dernièrement j'ai dit à quelqu'un qui venait de se vanter devant moi d'appartenir au PL [9]. Je lui ai dit : L’erreur que nous avons commise en 1959 est que, j’étais encore un enfant, nous vous avons laissé sortir [il parle des Tutsi] ». Je lui ai demandé s’il n’a pas entendu raconter l’histoire des Falashas qui sont retournés chez eux en Israël en provenance de l’Ethiopie ? Il m’a répondu qu’il n’en savait rien ! Je lui ai dit : « Ne sais-tu donc pas ni écouter ni lire ? Moi, je te fais savoir que chez toi c’est en Ethiopie, que nous vous ferons passer par la Nyabarongo [10] pour que vous parveniez vite là-bas [11] ». Le journal Kangura titrait en novembre 1991, dans son no 26 « Batutsi, race de Dieu ! Quelles armes allons-nous utiliser pour vaincre les Inyenzi [12] pour de bon ??? [13] ». Et le journal d’illustrer sa « une » avec une énorme machette…

Nègre, Négrille, Hamite, Hutu, Twa, Tutsi. Faut-il encore répéter que ce qui a été appelé races ou ethnies par les premiers européens arrivant au Rwanda est erroné ? Que la « théorie hamitique » est un fantasme d’européens datant de la fin du XIXème siècle ?

La société rwandaise est fondée depuis des centaines d’années sur 18 clans principaux (amoko) comprenant des Tutsi, des Hutu et des Twa, dans lesquels suivant son activité socio-culturelle on était Hutu (plutôt agriculteur), Tutsi (plutôt éleveur) ou Twa (plutôt potier). Ces groupes étaient héréditaires, en filiation patrilinéaire mais on pouvait dans la même vie être considéré comme un Hutu ou un Tutsi suivant la taille de votre troupeau ou suite à un changement d’alliance (familiale, amicale, sociale). Seul le clan Banyiginya essentiellement composé de Tutsi se partageait le pouvoir royal dans l’essentiel du Rwanda depuis le XVIIIème siècle, le nord étant dominé par des clans essentiellement composés de Hutu. Mais la grande majorité des Tutsi n’avait absolument aucun pouvoir.


En 1931, les Belges ont imposé au Mwami Musinga une carte d’identité dans laquelle ils ont voulu faire apparaître les mentions Hutu, Tutsi, Twa, ils ont pour ce faire traduit Ubwoko (clan) par « ethnie » ce qui était ridiculement faux. Cela a eu pour conséquence de figer ces classes sociales, et, surtout, associé à un enseignement orienté, de créer dans l’imaginaire des premiers étudiants rwandais, le mythe des trois races distinctes. Le touriste Paul Dresse trouve donc tout naturellement que les Tutsi sont « très grands » que les Hutu sont « de taille moyenne » et que les Twa sont «très petits»[14]. On pouvait lire en 1948 la description savante d’un Tutsi par un administrateur colonial, description qui est encore d’actualité pour certains journalistes contemporains « physiquement ces races sont superbes ; malgré les inévitables métissages résultant d’un contact prolongé [par imprégnation ?] avec les Nègres, la prépondérance du type caucasique est restée nettement marquée chez les Batutsi… Leur taille élevée – rarement inférieure à 1m80 – […] la finesse de leurs traits imprégnés d’une expression intelligente, tout contribue à leur mériter le titre que leur ont donné les explorateurs : nègres aristocratiques.[15]»

Ma grand-mère qui savait à peine lire et écrire, et à qui personne n’a demandé son avis sur la question, me disait que les différences physiques qui peuvent parfois exister entre certains Tutsi et Hutu sont dues aux différents régimes alimentaires suivis par des dizaines de générations. Les Tutsi se nourrissaient essentiellement de lait et de laitages, pas les Hutu. Mais on me dira que ma grand-mère n’était pas une experte sur le Rwanda et Pierre Péan rajoutera que c’était une menteuse, puisqu’elle était Tutsi.

Pierre Péan et le mythe de la femme fatale Tutsi.

« Charrier [colonel de l’armée française] est chargé, début mars, d’une mission discrète à Kigali, à la fois pour élucider certains dysfonctionnements dans le dispositif français – notamment les fuites répétées d’informations confidentielles – et pour monter une opération de communication. Il découvre à cette occasion que « le ver est dans le fruit » : le système fuit de toutes parts, notamment par l’infiltration de femmes tutsies auprès de nombreux Français. « Chez les civils, seul l’ambassadeur était irréprochable… », raconte Charrier, tout en ajoutant avec un brin de provocation : « Elles sont tellement belles qu’elles nous colonisent. » Noires fureurs, blancs menteurs, page 169.


«L’exemple d’une conduite contestable était donné par le général Dallaire lui-même. Tout Kigali bruissait des rumeurs[16] le concernant et que Booh Booh résume de façon lapidaire : « Dallaire était un sous-marin du FPR avec, semble-t-il, une Tutsie sous son toit. » Noires fureurs, blancs menteurs, page 214.

Pour prouver la perfidie et l’intelligence d’un prétendu lobby Tutsi, Péan écrit encore que « cette culture du mensonge s’est particulièrement développée dans la diaspora tutsie. Pour revenir « l’an prochain à Kigali » celle-ci a pratiqué avec efficacité mensonges et manipulations. Les associations de Tutsi hors du Rwanda ont fait ainsi un très efficace lobbying pour convaincre les acteurs politiques du monde entier de la justesse de leur cause. Elles ont infiltré les principales organisations internationales, et d'aucuns, parmi leurs membres, ont su guider de très belles femmes tutsi vers des lits appropriés... Leur brillante intelligence a su parfaitement se jouer de nombreux milieux intellectuels. » Noires fureurs, blancs menteurs, page 44.

Ce paragraphe semblant venir d’un autre âge figure bien dans un livre publié en France, au XXIème siècle. Péan n’invite cette fois ci aucun «grand témoin ». Il assume seul ses écrits. C’est dommage.

Il aurait pu citer le journal Kangura [17] : « Les femmes tutsies étaient vendues ou mariées à des intellectuels ou à des hauts fonctionnaires hutus, pour mieux espionner les cercles d’influence hutus, répartir les postes clés aux affaires, distribuer des permis spéciaux d’importation et révéler des secrets à l’ennemi »[18].

Ou bien la radio RTLM (Radio Télévision Libre des Mille collines) qui diffusait en boucle les « dix commandements des Bahutu » : le premier commandement était : « Chaque homme hutu doit savoir que les femmes tutsies, où qu’elles soient, sont rétribuées de leur travail par leur groupe ethnique tutsi. »

Ou même, un de ses auteurs fétiche [19] Gaspard Musabyimana. Un an avant le génocide, cet ex-responsable des services secrets d’Habyarimana, publiait un livre dans lequel il accusait d’espionnage, dans un style salace, une commerçante de Kigali : « de souche Hima, de taille élancée, d'une rougeur de tomate, et d'un derrière à faire bander un moine, Rose M.[20] était la chef des Inkotanyi à Kigali et animait un réseau sur tout le territoire national. Elle attira dans ses filets, de par son charme, quelques Officiers et Sous-Officiers de l'Armée rwandaise. Ses victimes étaient bien ciblées et les renseignements qu'elle receuillit (sic) furent d'une importance capitale pour les Inkotanyi.»[21]

Ou encore ce texte très chrétien qu’on pouvait lire en Belgique dans le Bulletin d’information africaine no 257 des Pères Blancs, le 1er mai 1994 [22], pendant qu’on exterminait nos familles au Rwanda « En Europe, on se passionne pour la défense des minorités et l’on passe l’éponge sur l’extermination de la majorité […] Les Tutsi ont réussi à inféoder, noyauter toutes les organisations internationales. Même la presse et la radio Vatican […] où ils ont su placer des abbés rwandais tutsi […] qui faussent toutes les informations avec une habileté extraordinaire, orfèvres de la supercherie, fourbes et maîtres es intrigues ? De jolies filles tutsies rwandaises ont infiltré les organisations internationales humanitaires et conquis le terrain par leurs charmes inégalables. »

Onze ans après le génocide des Tutsi, Pierre Péan, citoyen français qui n’a jamais pris la peine de se rendre au Rwanda, a repris benoîtement à son compte les clichés ethnistes véhiculés au Rwanda par les tenants du « Hutu Power », et notamment celui de « la femme fatale Tutsi » abondamment utilisé par la propagande des médias rwandais de la haine, dans les années 1990.
Dans quel but Pierre Péan s’est-il abaissé à écrire ça ?

En tout cas, c’est abject, insupportable et cruellement douloureux pour nous qui avons longtemps été persécutés par une dictature ethniste, et qui avons perdu nos mères, nos sœurs, nos grand-mères dans le génocide des Tutsi. Je n’oublierai jamais que la littérature et les discours mortifères qui utilisaient ces clichés nauséabonds ont conduit au dernier génocide du XXème siècle, un génocide dans lequel les femmes et les filles ont été les toutes premières victimes :

« La présentation de la femme tutsie comme une femme fatale, et le message que les femmes tutsies étaient des agents de séduction de l’ennemi était diffusée répétitivement par RTLM et Kangura. Les dix commandements diffusés par RTLM et publiés dans Kangura, dénigraient et mettaient en danger les femmes tutsis, comme l’a démontré le témoin AHI en déclarant qu’une femme tutsie avait été tuée par des membres de la CDR qui épargnèrent la vie de son mari et lui dirent "Ne t’inquiète pas, nous allons te trouver une autre femme, une Hutue pour toi". En définissant la femme tutsie comme un ennemi de cette manière, RTLM et Kangura ont établi un cadre dans lequel l’agression sexuelle des femmes tutsies devenait une conséquence prédictible du rôle qu’on leur attribuait. ». (TPIR, Jugement Nahimana et co., page 343)


Les Tutsi étaient considérés comme des étrangers dans leur propre pays par une dictature ethniste, traités au mieux comme des sous-citoyens sans droit aux études, aux postes à responsabilité, au pire comme des prostituées-espionnes ou des « personnes fourbes et arrogantes », puis on les a traqués, humiliés, torturés, tués, exterminés. Nous avons beaucoup souffert et nous souffrons toujours, mais comme l'a écrit la jeune et courageuse rescapée Annick Kayitesi : « nous existons encore ».

On peut tuer autant de gens qu'on veut, on ne peut pas tuer leur mémoire. (P.Gaillard, CICR)



Nota : les caricatures des journaux Kangura et Power sont reproduites dans le livre «Les médias du génocide» publié en 1995 sous la direction de Jean-Pierre Chrétien aux éditions Karthala. L'extrait BD est tiré de «Déogratias» de Jean-Philippe Stassen publié en 2004 aux éditions Aires Nouvelles. L'image provient du reportage «Rwanda : une république devenue folle» (1996) de Luc de Heusch. La photographie "Tutsi" Written on a Wall"(1994, Nyakabuye, Rwanda) est de David Turnley/Agence Corbis. A lire également l'article de Stéphane Bou et Sylvie Coma «Charlie Hebdo répond à Péan» vous y trouverez des informations supplémentaires.
Articles publiés pendant et après le procès :
L'écrivain Pierre Péan jugé pour racisme anti-Tutsi , 24 septembre 2008, Libération, Christophe Ayad.
Pierre Péan en flagrant délit. 29 septembre 2008, L'Humanité, Jean Chatain.
800 000 menteurs dans les charniers du Rwanda ? 1 octobre 2008, Charlie Hebdo, Stéphane Bou.
[1] Pierre Péan, « Noires fureurs, blancs menteurs », page 41.
[2] De très lointaine descendance, car ce roi a régné de 1769 à 1792 !
[3] Pierre Péan, « Noires fureurs, blancs menteurs », page 30.
[4] Affaire Semanza, compte rendu d’audience du 07/02/2002.
[5] Pierre Péan, « Noires fureurs, blancs menteurs », page 42.
[6] Epousant les idées de l’Action Française, il accueillera même chez lui Léon Daudet lors de son exil belge en 1927.
[7] Pierre Péan, « Noires fureurs, blancs menteurs », page 40 «...sous le ciel» est la citation exacte de Paul Dresse.
[8] Col. Bagosora, « L’assassinat du président Habyarimana ou l’ultime opération du TUTSI pour sa reconquête du pouvoir par la force au Rwanda » page 14, 30 octobre 1995.
[9] Parti Libéral, qui était classé comme pro-Tutsi par le MRND.
[10] Principale rivière rwandaise affluente du Nil.
[11] Mperutse kubwira umuntu wali unyiraseho ngo ni za PL. Ndamubwira nti : « ikosa twakoze muli 59, nubwo nali umwana, nuko twabaretse mugasohoka ». Mubaza niba atarumvishe inkuru y'abafalasha, basubiye iwabo muli Israyeli bavuye muli Ethiopiya ambwira ko atayizi, nti : « Ntabwo uzi kwumva no gusoma ? Jye ndakumenyesha ko iwanyu ali muli Ethiopiya, ko tuzabanyuza muli Nyabarongo mukagera yo bwangu » !
[12] Cafard, surnom donné aux Tutsi par les extrémistes Hutu.
[13] Batutsi Bwoko Bw’Imana !Ni izihe ntwaro tuzakoresha kugira ngo dutsinde inyenzi burundu ?? Cité en page 114 dans « Rwanda, les médias du génocide » .
[14] Paul Dresse « Le Ruanda, d’aujourd’hui », page 13.
[15] M.Piron, « Les migrations hamitiques », Servir, 1948 cité dans « Rwanda, les médias du génocide », JP Chrétien, page 87.
[16] La rumeur provenait du journal extrémiste Kangura, voir la caricature immonde ci-dessus.
[17] Hassan Ngeze qui était le rédacteur en chef de ce journal a été condamné à 35 ans de prison par le TPIR pour avoir notamment « incité directement et publiquement à la commission du génocide par le biais de publications dans son journal Kangura en 1994».
[18] Cité dans le Jugement Nahimana et consorts (dit «affaire des médias »), para. 139, 3 décembre 2003.
[19] Il est l’auteur le plus cité par Pierre Péan dans son livre «Noires fureurs, blancs menteurs».
[20] Gaspard Musabyimana livrait son nom, je m’y refuse, en sa mémoire car il est fort probable qu’elle ait été assassinée.
[21] Gaspard Musabyimana « Les années fatidiques pour le Rwanda, coup d'oeil sur les préparatifs intensifs de la « guerre d'octobre », 1986-1990 », publié en mai 1993, aux éditions Kiroha.
[22] Cité par Josias Semujanga «La rumeur : parole fragile et croyance partagée », Protée vol.32, 2004.

15/09/2008

Rwanda : combattre l’idéologie du génocide, mais autrement.


Deux adolescentes ont menacé leur camarade de classe dans l’école primaire de Busanza à Kigali. (The New Times, 13/09/2008). Elles ont dit à Alice, 14 ans, qu’elles allaient la tuer en la traitant de « cafard ». Le Rwanda est le pays où un million de personnes ont été exterminées du seul fait qu’elles étaient Tutsi. La population dirigée et manipulée par les extrémistes du Hutu Power diffusaient en boucle le message disant que les Tutsi n’étaient pas des hommes, simplement des cafards, des serpents, dont le « peuple majoritaire » devait se débarasser.

Ce qui s’est passé à Busanza est donc grave, très grave car cela signifie que quatorze ans après le génocide, des parents élèvent encore leurs enfants dans la haine. Et que tout peut recommencer du jour au lendemain, politique de réconciliation et d’unité nationale ou pas.

Mais les deux adolescentes Odila et Joseline, qui ont à peine 15 ans n’ont rien à faire en prison où elles ont immédiatement été envoyées! Ces enfants sont avant tout des victimes, victimes de l’idéologie ethniste de leurs parents. Elles doivent recevoir un suivi éducatif, il aurait été bien plus judicieux de les obliger à visiter le Mémorial de Gisozi par exemple, afin de leur montrer le pouvoir destructeur des mots de la haine. Mais les envoyer partager une cellule avec des femmes coupables de génocide, c’est disproportionné et dangeureux pour l’avenir, parce qu’on ne règlera pas le problème de cette manière. Sans compter que cela donne une image rétrograde de notre pays à l’étranger.

01/09/2008

Rwanda : un recensement des rescapés du génocide tronqué

Joseph, rescapé du génocide, comptable bilingue, au chômage depuis plusieurs années comme de nombreux rescapés du génocide (photo Kagatama).

Après un premier recensement en 2007 qui avait provoqué la polémique à cause de sa précipitation, le Rwanda vient de recenser 309 368 "rescapés du génocide encore vivants" (agence Hirondelle, 28/08/2008).

Et nous, on ne nous compte pas ? Nous, les rescapés du génocide des Tutsi qui ne vivons pas au Rwanda, n'existerions- nous pas ? Il y a au moins un ministère rwandais qui pourrait s'intéresser à notre existence : le ministère des affaires étrangères. Celui-ci, très conscient du potentiel économique que constitue la diaspora rwandaise pour l'économie du Rwanda, vient de créer une
Diaspora Unit.

309 368 rescapés du génocide des Tutsi "
encore vivants", nous dit-on (lire le rapport). Ce chiffre ne signifie pas grand-chose si on ne compte pas les milliers de rescapés qui vivent en dehors du Rwanda.

D'ailleurs pourquoi sont-ils aussi nombreux à l'extérieur du pays ? Sans famille, sans amis, sans réseau relationnel, ils n'arrivent pas à trouver des emplois viables au Rwanda. Aucun programme de soutien à l'emploi pour ces personnes particulièrement vulnérables n'a été mis en place par le gouvernement depuis le génocide. Les rescapés du génocide sont d'ailleurs très peu représentés dans la fonction publique, notamment à Kigali*. Alors dès qu'ils en ont l'occasion, ils partent chercher à l'étranger ce qu'ils ne trouvent pas dans leur propre pays. Le phénomène n'est malheureusement pas négligeable et mérite que les autorités rwandaises prennent très au sérieux l'intégration, ou plutôt la réintégration des survivants du génocide au sein de l'économie rwandaise.

Si le Rwanda ne fait pas plus d'effort pour aider les rescapés, les bailleurs de fonds seront plus réticents à aider un pays qui néglige ses propres survivants d'un génocide.

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* d'après ce recensement, les rescapés du génocide ne représenteraient que
4,33% (26 149 personnes) de la population totale de la ville de Kigali (603 049 habitants, d'après le recensement national de 2002). On peut donc s'en craindre de se tromper affirmer qu'il y a plus de rescapés vivant à l'étranger que dans la capitale du Rwanda.