Callixte Mbarushimana (source The Washington Post)
Callixte Mbarushimana est un cumulard. Accusé de crime de génocide, par ses anciens collègues du P.N.U.D, il est également accusé de crimes contre l’humanité en tant que secrétaire exécutif des rebelles du F.D.L.R qui sévissent depuis des années au Congo.
Callixte Mbarushimana est un cumulard heureux. Depuis le génocide, ses collègues des Nations Unies, rescapés du génocide des Tutsi, ou occidentaux, n’ont eu de cesse de l’accuser du crime de génocide. Mais il a toujours échappé à toute poursuite judiciaire, mieux, il a continué à travailler pour les Nations Unies pendant six ans après le génocide.
Une équipe d’enquêteurs des Nations Unies, vient de remettre son rapport (classé confidentiel) sur cette affaire. Le Washington Post vient d’en rendre compte dans un remarquable article.
Voici l’histoire de Callixte Mbarushimana.
Juste avant le génocide, ses collègues des Nations Unies dénoncent son militantisme anti-Tutsi auprès du représentant du P.N.U.D au Rwanda, Amadou Ly. Celui-ci le convoque, il est très surpris que Mbarushimana ne cache pas son idéologie mortifère. Amadou Ly informe son siège à New York. Mais rien ne se passe.
6 avril 1994, Kigali devient en quelques heures l’enfer sur terre. Les Tutsi sont exterminés. C’est un génocide. Au départ des occidentaux, d'après le rapport des Nations Unies, Mbarushimana s’auto proclame responsable par intérim de cette agence des Nations Unies au Rwanda, puis il s’empare de tous les moyens logistiques du P.N.U.D dans la capitale qu’il met à la disposition des tueurs. De nombreux collègues Tutsi, l’accusent d’avoir dénoncé ses collègues Tutsi aux miliciens Interahamwe, et d’avoir participé lui-même aux massacres. On le soupçonne même d’avoir obtenu des informations secrètes sur des opérations de sauvetage de Tutsi via une taupe au sein du quartier général des Nations Unies. A l’arrivée du F.P.R, le bravache Mbarushimana qui se promenait en treillis, pistolet à la ceinture, s’enfuit piteusement au Congo.
En décembre 1996, il obtient un contrat pour travailler pour le P.N.U.D en Angola. Là, il tombe sur un ancien collègue américain avec qui il travaillait à Kigali, Gregory Alex. Qui le dénonce par écrit au Secrétaire Général des Nations Unies, Koffi Annan, l’accusant en particulier d’avoir participé au meurtre de Florence Ngirumpatse, la responsable des ressources humaines du P.N.U.D, et de 12 autres personnes qui étaient dans la même maison, dont une majorité d’enfants. Mais rien ne se passe.
Après son contrat en Angola, il en obtient un autre pour la Mission des Nations Unies au Kosovo qui débute le 10 novembre 2000. Encore une fois, il est dénoncé par Gregory Alex. Cette fois-ci, il est emprisonné le 11 avril 2001. Le Rwanda demande son extradition. Mais une cour du Kosovo le relâche deux mois plus tard pour vice de forme.
Le Procureur du T.P.I.R l’inculpe pour génocide. Dans le reportage « A question of murder » et dans le San Francisco Chronicle, Tony Greig, un policier australien qui travaillait pour le T.P.I.R, explique que d’après son enquête au Rwanda, Callixte Mbarushimana serait impliqué dans 32 meurtres de Tutsi, il aurait également activement collaboré avec les milices Interahamwe. Mais à ce moment là, d’après le Washington Post, le conseil de sécurité des Nations Unies fait pression auprès du Procureur pour que le T.P.I.R ne poursuive que les « gros poissons », les planificateurs au niveau national. Le Procureur du T.P.I.R retire son acte d'accusation.
Il s’installe en France, à Thiais, en 2003. Et, en contradiction totale avec l'article F a)[1] de la Convention relative aux réfugiés, il obtient la même année, sans aucun problème le statut de réfugié dans le-pays-des-droits-de-l’homme. On sait que c’est Claude Guéant qui a aidé Eugène Rwamucyo, un autre suspect de génocide, à se procurer une carte de travail. Mais qui a réussi l’exploit d’obtenir l’asile politique au surmédiatisé accusé de génocide Callixte Mbarushimana ?
Le 29 juin 2005, il est élu secrétaire exécutif des F.D.L.R, un groupe rebelle classé terroriste qui commet des crimes horribles au Congo. Personne en France ne l’interdit de militer dans ce mouvement politique criminel, alors qu’en tant que réfugié politique il a l’obligation de conserver un devoir de réserve dans son pays d’accueil.
Fâché d’avoir été licencié par les Nations Unies lors de son inculpation au Kosovo, il saisit le Tribunal Administratif des Nations Unies et réclame une indemnisation. Le 30 septembre 2005, il gagne son procès. Les Nations Unies sont contraints de lui verser 12 mois de salaires en dédommagement, soit 47 635 $.
Le 6 février 2006, le C.P.C.R (Collectif pour les Parties Civiles du Rwanda) dépose une plainte contre Mbarushimana, en France pour génocide. Mais rien ne se passe.
En juillet 2008, lors d’un contrôle de passeport à l’aéroport de Francfort, alors qu’il compte s’envoler pour la Russie, il est arrêté grâce à une « notice rouge » d’Interpol à son nom. Quatre mois plus tard il est libéré, car une cour allemande a jugé qu’il ne pouvait pas être extradé vers le Rwanda. Il est libre.
En novembre 2009, les Nations Unies publient un rapport d’enquête accablant sur les liens étroits entre les tueurs des F.D.L.R qui massacrent au Congo et leurs leaders « politiques » qui vivent dans la diaspora en Europe. Le Président et le Vice-Président des F.D.L.R sont immédiatement arrêtés par l’Allemagne, leur pays d’accueil. Ils sont inculpés de crime contre l’humanité. Mais pas Callixte Mbarushimana qui devient de facto le responsable suprême des F.D.L.R dans le monde.
Novembre 2009, la France et le Rwanda décident de renouer leurs relations diplomatiques. Quelques jours plus tard, la ministre de la justice Michèle Alliot-Marie et le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, font cette magnifique déclaration : « la France ne sera jamais un sanctuaire pour les auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité ». On apprend dans Le Télégramme que « le nouveau chef d'état-major des armées, Édouard Guillaud, est convaincu que le Rwanda, où se rendra le mois prochain le président Sarkozy, est l'une des clefs de la stabilisation au Kivu ». Deux bonnes raisons pour la France de mettre hors d’état de nuire l’accusé de génocide et leader mondial des F.D.L.R qui vit à Paris [2]. Mais rien ne se passe.
Nous, les survivants du génocide des Tutsi, nous nous posons cette question simple : jusqu’à quand Callixte Mbarushimana va-t-il narguer la justice ? La France ne sera jamais un sanctuaire pour les auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, comment peut-on vraiment y croire, madame Alliot-Marie, monsieur Kouchner ?
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