03/12/2010

« An unfortunate incident » ou le lynchage du chauffeur routier Laurent Bizimungu au Kenya

Laurent Bizimungu est un chauffeur routier honnête et professionnel. Le 27 novembre, lors d’un transport au Kenya, il touche le rétroviseur d’un bus avec son camion, il s’arrête pour discuter naturellement de l’accrochage avec son homologue du bus. Celui-ci sort de son véhicule, sans un mot, il lui assène un violent coup de barre en fer sur la tête et, scène hallucinante, les passagers du car sortent à leur tour pour achever, à coups de pied, Laurent Bizimungu. Cet acte inimaginable, barbare contre un de nos concitoyens a eu lieu dans le pays qui se considère comme le plus moderne de la Communauté d’Afrique de l’Est.

Est-ce que le lynchage serait une coutume légale au Kenya ? Notre unique quotidien nous rapporte la réaction de l'ambassadeur du Rwanda au Kenya: « Bill Kayonga confirmed the incident describing it as “unfortunate”[1] ». Puis notre ambassadeur conseille simplement aux voyageurs rwandais de signaler les accidents routiers à la police et d'éviter de s’arrêter sur la route pour échapper à ce qui semble très courant sur les routes kenyanes : le lynchage... [mob justice]. Etonnamment, les mots « crime », « meurtre » ou « justice » ne sont pas prononcés. Nul doute que le fait que Laurent Bizimungu était un étranger a stimulé les assassins, pourtant, à ce jour les autorités kenyanes n’ont pas réagi officiellement à ce crime odieux.

Des associations comme African Right[2], des journalistes[3] (en particulier The Economist, Lynching in Kenya, a routine crime), ont depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme contre les lynchages au Kenya, mais le gouvernment kenyan ne prend pas le problème au sérieux. Le 29 juillet 2009, M. Philip Alston, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a rendu un rapport très critique[4] sur le Kenya à l’Assemblée générale des Nations Unies, il constate qu’« il est fréquemment fait état de l’exécution de prétendues sorcières, de voleurs et d’autres personnes aux mains de la foule. »

L’assassin et ses complices, les passagers du car, doivent être jugés et condamnés sévèrement. Il faut que nos représentants au Kenya se battent pour que justice soit rendue, la justice étant la seule réponse à la barbarie.

Laurent Bizimungu, 49 ans, laisse derrière lui une veuve et 7 orphelins.





[1] « Rwandan driver lynched in Kenya» by Edmund Kagire, « The New Times », 3 December 2010.

[2] Kenya: African Rights Report, 01/08/97

[3] « In the nick of time, the reality of mob justice in Kenya » by Kimani Nyoike, 11 October 2010 ; « Horror of Kenya’s “witch” lynchings » by Joseph Odhiambo, 26 juin 2009, BBC News, « Lynching in Kenya: A routine crime », The Economist, 18 juin 2009 (article sur l’exécution de trois hommes accusés d’avoir volé un téléphone portable).