La ministre rwandaise de l'Information a accusé les radios BBC et Voice of America (VOA) de "détruire l'unité des Rwandais" à travers leurs programmes en langues rwandaise et burundaise. Elle a averti que le gouvernement rwandais a "la capacité et le droit" de suspendre la diffusion de ces émissions sur son territoire si la situation ne change pas. (AFP 19.08.08)
Je me souviens des collines du Rwanda, lors des difficiles moments de la guerre dite « d’octobre ». Radio Rwanda, la seule et unique radio du pays inondait le Rwanda de nouvelles le plus souvent fausses, parfois même déshumanisantes, comme le jour où le journaliste vedette nous disait le plus sérieusement du monde que les inyenzi du FPR avaient des poils partout comme des animaux de la forêt, ainsi que d’autres insanités de tout genre. On pouvait entendre sur Radio Rwanda la publicité des deux autres médias officiels, le journal en langue française La Relève ("La Relève, La Relève c’est l’information fouillée et … farfouillée ! ", nous disait Radio Rwanda) et celui en kinyarwanda : Imvaho. En dehors du journal de l’église catholique, Kinyamateka, c’était tout ce que le Rwanda offrait aux Rwandais en matière de médias avant l’arrivée du multipartisme et des journaux d’opposition (1991)*.
Alors bien entendu, nous écoutions les médias étrangers en OC (ondes courtes) : RFI, La voix de l’Amérique, BBC, la Deutsche Welle... Fébrilement, passionnément mais… discrètement car c’était strictement interdit par le régime Habyarimana. Je me rappelle comment j’écoutais très doucement, tous les soirs, chez moi sur une colline au nord de Kigali les nouvelles du monde et surtout du Rwanda dont on était privé. Puis je racontais tout, longuement, dans les moindres détails, à ma grand-mère et à ma tante Mariya, traduisant les informations dans le Kinyarwanda le plus pur à leur intention. Elles m’écoutaient comme elles auraient écouté les grands conteurs rwandais.
Aujourd’hui, plusieurs grandes radios internationales offrent des programmes FM en kinyarwanda unique langue parlée par 80% des rwandais. La ministre de l’information, Mme Louise Mushikiwabo déclare que certains de ces programmes sont « mensongers » et menace de suspendre leur diffusion « si la situation ne change pas ».
Rappelons que depuis la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda, le Rwanda a fermé le relais FM de RFI fraîchement installé en octobre 2005. J’ai trouvé cela extrêmement regrettable. RFI, même si c’est une radio publique, a toujours su rester indépendante, elle a effectué un travail remarquable entre 1990 et 1994, restant toujours d’une neutralité parfaite, malgré les pressions qu’elle a certainement subies de la part de certains politiques français et/ou rwandais, comme le prouve la Mission d'étude sur le Rwanda – (Analyse du contenu des journaux Afrique de RFI du 2 oct. 1990 au 18 juillet 1994).
Nous sommes au XXIe siècle et il est parfaitement vain d’essayer de censurer des radios, surtout dans un pays comme le Rwanda qui a pour objectif de devenir le pôle internet de l’Afrique de l’Est. Dans tous les centres de négoces du pays, l’internaute rwandais a aujourd’hui accès à tous les médias internationaux, radios comprises…
Bien sûr, les journalistes doivent avoir des limites déontologiques. N’oublions pas que le Rwanda est le pays qui a engendré (en 1993) la tristement célèbre Radio Télévision Libre des Milles Collines (RTLM). Une radio qui a eu un rôle très important dans le génocide des Tutsi (lire le livre Les médias du génocide publié sous la direction de JP Chrétien). Le gouvernement rwandais est donc légitimement attentif à ce qu’aucun discours de haine ne soit aujourd’hui diffusé au Rwanda. Si certains journalistes rwandais diffament des citoyens rwandais dont des autorités rwandaises, alors il est légitime pour ces personnes, d’exposer leurs griefs devant un tribunal rwandais qui tranchera.
Mais censurer un média n’est pas la bonne réponse. L’histoire a prouvé que la censure avilit le censeur et renforce le censuré. Un débat ouvert et sain, une réponse claire aux critiques émises par des journalistes est toujours plus efficace.
* A cette époque, le Rwanda était un des derniers pays du monde à n’avoir pas de télévision nationale, les premières émissions débutèrent en 1993.
Mise à jour : le Rwanda vient de mettre ses menaces à exécution, il a interdit la diffusion des programmes de la BBC en langue kinyarwanda. Lire l'article de New Times daté du 26 avril 2009.
« A la fin de l’épisode de la grotte d’Ouvéa [5 mai 1988], il y a eu des blessés kanaks et deux de ces blessés ont été achevés à coups de bottes par des militaires français, dont un officier. » a déclaré hier, Michel Rocard sur France Culture.
L’année 1988 a été « faste » pour l’armée française ainsi : « Le 14 avril 1988, une section de légionnaires en poste en Centrafrique avait ouvert le feu sur deux Centrafricains : l’un a pu s’échapper, le second a été atteint aux jambes. L’ordre ayant été donné de « ne ramener personne », un trou est creusé et l’un des légionnaires (Daniels) est chargé d’achever le blessé. Le capitaine Paul Serves (commandant aujourd’hui), le lieutenant Dominique Cagé (aujourd’hui capitaine) et le caporal-chef Patrick Daniels (même grade aujourd’hui) sont accusés d’avoir directement ou indirectement achevé Robert Kamara, dont le corps n’a jamais été retrouvé » l’Humanité, 11 mai 1994
« Le commandant du 2e REP Paul Serves a été condamné en 1994 à 4 ans de prison. Il avait donné (transmis ?) l'ordre de ne pas faire de prisonniers, lors d'une expédition de la Légion contre les braconniers d'une réserve de chasse du Président centrafricain. L'ordre a été exécuté. » Libération 11 mai 1994.
Les légionnaires du 2e REP n’avaient même pas l’excuse de la guerre et du chaos. Robert Kamara a été froidement exécuté, un jeudi, chez lui, en Centrafrique par des militaires français, pour avoir tenté de chasser gratuitement quelques antilopes dans la réserve du dictateur de Centrafrique de l’époque, le général Kolingba. Gratuitement, parce que la semaine de chasse se vend 8900 Euro au Centrafrique, car «un safari en Centrafrique c’est toujours une aventure ».
André Giraud, qui était le ministre de la défense en 1988, a certainement démenti toutes accusations. Il est vrai qu’il est «farfelu» d’imaginer des gendarmes français achever des blessés à coup de bottes, ou des légionnaires français exécuter un homme coupable de braconnage.
Les militaires français arrivent à Kirambo (Cyangugu), accueillis comme des sauveurs. Mais à Kirambo, il n'y a plus personne à sauver. Tous les Tutsi ont été tués.
"...un coup heureux tombera droit sur un groupe de rebelles. C'en est trop pour les hommes du FPR qui décrochent en bon ordre. Dix-neuf combattants tués c'est beaucoup pour le mouvement tutsi, soucieux de la vie de ses hommes." (Raids, no 101, p.28)
“ si quelques incidents avaient pu avoir lieu ensuite entre le FPR et Turquoise, ils étaient dus à des manques de précision dans la délimitation de la zone et que cela restaitanecdotique ”. Général Jean-Claude Lafourcade devant la Mission d'information sur le Rwanda, le 9 juin 1998
Revue de la légion étrangère Képi blanc(No 549, octobre 1994)
L’amiral Jacques Lanxade qui était chef d'État-Major des Armées en 1994, a déclaré qu'il ne savait pas que les Tutsi étaient massacrés, dès le 7 avril 1994, du seul fait qu’ils étaient Tutsi : « Amaryllis avait pour objet d'évacuer les Français et plus largement les ressortissants étrangers de Kigali dans une période d'extrême tension, mais il n'y avait à ce moment là aucune indication (de massacres) » RTL, 07/08/2008
J’imagine que les Légionnaires français des C.R.A.P. (Commandos de Recherche et d'Action dans la Profondeur) du 2ème Régiment étranger de parachutistes ne savaient pas, en juillet 1994, que les gendarmes rwandais à qui ils distribuaient des armes, avaient participé largement à l’extermination des Tutsi (« Après avoir orchestré les premières tueries dans la capitale et dans d’autres centres urbains, les soldats et les gendarmes dirigèrent tous les massacres de grande ampleur perpétrés dans le pays. » Aucun témoin ne doit survivre, page 14, Human Right Watch.)
L’Armée française était-elle à ce point aussi sous-informée ?
Après des survivants du génocide des Tutsi, des officiels rwandais, des étrangers qui vivaient au Rwanda, des ONG françaises et étrangères, des chercheurs français et étrangers, des journalistes français et étrangers, des militaires belges, des militaires de la Minuar, etc. la commission Mucyo vient de rendre un rapport accusant également la France d'avoir une part de responsabilité dans le génocide des Tutsi. Cette commission, c'est la nouveauté, utilise largement le témoignage de repentis tueurs interahamwe ou d'anciens militaires rwandais des ex-FAR, génocidaires ou pas.
"Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a dénoncé jeudi le procès “absolument insupportable" fait aux militaires français, accusés par un rapport rwandais de participation directe au génocide de 1994. "En tant que ministre de la Défense, je n'accepterai pas qu'on dise n'importe quoi sur les militaires français". "J'ai encore en mémoire ce qu'ont pu faire les militaires pour sauver des vies humaines par centaines et par milliers dans des conditions abominables (...) J'ai le souvenir de ce qu'ont fait les Français pour protéger et éviter le drame d'être encore plus lourd", a-t-il ajouté."(JDD, 7 août 2008).
C'est la réaction habituelle. Tout bon professeur de communication l'enseigne. Dans le cas du Rwanda, les exemples de ce type sont nombreux.
En octobre 1990, les militaires français ont été envoyés officiellement au Rwanda pour protéger ses ressortissants. “Cette troupe n'a pas d'autre mission que celle-là, et cette mission remplie, bien entendu, elle rentrera en France “ disait François Mitterrand, le 15 octobre 1990 (cité par David Ambrosetti, La France au Rwanda, un discours de légitimation morale, p.80).
Les 600 ressortissants français qui vivaient au Rwanda au début des années 1990 ont eu pendant trois ans, la meilleure protection du monde, la plus chère aussi. Un peu moins de 1000 soldats français d'élite veillaient sur eux. Aujourd'hui cette affirmation ridicule, semble irréelle, pourtant c'était exactement le discours officiel des dirigeants français de l'époque.
"Lors d’un colloque organisé par le CERI (Centre d’Études et de Recherche Internationale), le général Quesnot chef de l'état-major particulier de François Mitterrand a nié qu’il y ait eu des contrôles d’identité par des militaires français au Rwanda" (Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS).
Après l'attaque du FPR, le 8 février 1993, l'armée française prend le contrôle de Kigali. Du 22 février au 28 mars 1993, une nouvelle opération militaire voit le jour "l’opération Chimère" . Les militaires français du détachement Noroît prennent le contrôle de tous les accès vers Kigali. On peut lire dans “l'ordre d'opération no 3 du 2 mars 1993” du Colonel Dominique Delort, que “les règles de comportement sur les “check-points” prévoient la remise de tout suspect, armement ou document saisis à la disposition de la Gendarmerie rwandaise.” (Rapport de la Mission d'information sur le Rwanda, p.166). Le rapport Mucyo, revient sur ces contrôles, et rapporte plusieurs cas de disparition de rwandais remis à la disposition de la gendarmerie rwandaise par des militaires français, ils ont vraisemblablement été exécutés par les gendarmes rwandais. Ces accusations sont très graves. Elles sont très graves, mais vérifiables. La France est un pays démocratique qui respecte les conventions de Genève. L'armée française a bien entendu, conservé les identités des Rwandais que ses militaires ont livrés à la gendarmerie rwandaise, ceci afin de vérifier que les conventions de Genève ou la convention de New York contre la torture étaient bien respectées. Il faudrait donc qu'une commission enquête auprès de l'armée française pour savoir ce que sont devenus ces “suspects”.
"La présence militaire française n'est intervenue en rien, à travers les missions qui étaient les siennes, dans la formation des miliciens. […] Le Colonel Jean-Jacques Maurin a confirmé de façon la plus catégorique que jamais au cours des réunions d'état-major auxquelles il avait assisté il n'avait fait allusion devant lui à un équipement de milices. Il s'est même trouvé un officier français pour indiquer : qu'on connaissait l'existence de milices interahamwe mais qu'on ne savait pas précisément ce qu'elles faisaient. Il a relevé le "caractère familial" des milices qui n'étaient pas exclusivement composées de voyous ou de délinquants." (Rapport de la mission d'information sur le Rwanda, p.352-353)
Encore une fois, les militaires français nient l'évidence, n'hésitant pas à désavouer leur collègue, le sous-officier du GIGN Thierry Prungneault (lire son témoignage dans mon message du 5 août ). Dans son livre, "Aucun témoin ne doit survivre " (p.143), l'ONG Human Right Watch nous dit que des diplomates étrangers basés à Kigali ont été témoins de ces entraînements, dans le parc de l'Akagera, près de Gabiro. Le rapport Mucyo donne aujourd'hui des noms, des dates, des lieux. Il suffirait de vérifier.
Les soldats français étaient près d'un millier, entre 1990 et 1993, essentiellement dans et autour du gros village qu'était Kigali, puis 2500 lors de l'opération Turquoise. Ils étaient considérés par leurs collègues militaires rwandais comme des sauveurs auxquels on ne pouvait rien refuser, ces mêmes militaires qui opprimaient devant eux les Tutsi, et en particulier les femmes Tutsi. Les forces françaises seraient donc les seules forces étrangères au monde à n'avoir pas commis de viols en période de guerre ?
Le pseudo journaliste* Pierre Péan, dans le but avoué de faire taire les nombreuses accusations contre les soldats français, a été obligé de révéler un cas de viol avec actes de barbarie commis au Rwanda fin 1992 ou début 1993. Il évoque le cas d'une jeune rwandaise qui a eu le malheur de croiser la route d'un camion de l'armée française à Kigali. "Deux [militaires français] l'ont violée puis lui ont "travaillé" le sexe à la baïonnette sans que les autres militaires interviennent. Puis l'ont laissée, nue, sur le bord de la route. La jeune fille a été emmenée à l'hôpital de Kigali”. (Noires fureurs, blancs menteurs, page 207, en Post-scriptum !) Péan pour prouver que l'ordre régnait au sein du contingent français, nous dit que les militaires français ont été immédiatement sanctionnés : leur hiérarchie les a renvoyés en France. D'après Péan, aucune poursuite pénale n'a été ordonnée contre ces violeurs, leurs collègues qui ont laissé faire ou leurs supérieurs hiérarchiques. Si cette histoire est vraie, nous serions en présence d'un cas avéré de violation de l'article 4.2)e) du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève, lequel proscrit "les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur." Anto Furundzija commandant local d’une unité spéciale de la police en Bosnie-Herzégovine, a été condamné à dix ans de prison par le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie dont huit pour ce seul motif. Tous les militaires français ne sont pas des violeurs, loin de là, raison de plus pour punir conformément au droit, les criminels qui salissent en son sein l'honneur de l'armée française.
L'armée française n'est pas entièrement responsable de ses actions au Rwanda. Elle a reçu des ordres des responsables politiques de l'époque et elle les a accomplis. Officieusement, ces ordres étaient clairs - empêcher le FPR de prendre le pouvoir - même si cela devait passer par le soutien actif à un régime politico-militaire qui a organisé un génocide contre les Tutsi du Rwanda. Le soutien inconditionnel de la France au régime Habyarimana a-t-il stoppé net le 7 avril 1994 ? Ou bien a-t-il été également suivi d’un soutien au gouvernement intérimaire de Jean Kambanda (condamné à la prison à vie pour génocide par le TPIR) pendant le génocide ? Un gouvernement composé dans les locaux de l'ambassade de France au Rwanda, en présence de l'ambassadeur Jean-Michel Marlaud, le 8 avril 1994.
Alors procès "absolument insupportable" ?
Je ne peux pas mieux dire que Rémy Ourdan (grand reporter au Monde, auteur d'une excellente série d'articles en 1998, sur le génocide des Tutsi, intitulée "au pays des âmes mortes"):
“Paris ne peut pas rejeter ces récits sans enquêter en profondeur et sans répondre point par point à chacune des centaines d'accusations. L'enjeu est d'établir avec exactitude les responsabilités dans le dernier génocide du XXe siècle. La France, qui tient et qui a contribué à ce que la lumière se fasse sur le génocide des juifs d'Europe durant la seconde guerre mondiale, ne peut pas refuser de se confronter aux effroyables récits rwandais, au motif que ses dirigeants étaient, disent-ils, animés de louables intentions, et qu'une aventure africaine a mal tourné. “ (Rémy Ourdan, Le Monde, 6 août 2008)
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Photographies :1/ Patrouille conjointe paras du 3e RPMIa et soldats rwandais dans les artères de Kigali. (RAIDS, no 56, janvier 1991)
2/Photo: La colonne du 3e RPIMa a atteint son objectif dans le nord du Rwanda. La ville de Ruhengeri. Sa mission : récupérer les ressortissants français (RAIDS, no 56, janvier 1991).
L'expression "Rwanda, une aventure qui a mal tourné" est de Rémy Ourdan (Le Monde, 6 août 2008)
*Pierre Péan avoue lui-même qu'il n'est jamais allé au Rwanda. Aucun journaliste digne de ce nom n'aurait osé écrire un livre sur un pays et sur un génocide, sans s'être rendu une seule fois au moins dans ce pays, et sans n'avoir jamais rencontré une seule victime de ce génocide.
Vous trouverez ci-dessous un petit film tourné par un jeune militaire français de l'opération Turquoise, le 12 juillet 1994, dans la région de Gikongoro, au Rwanda.
Photographie publiée par Le Vif (photographe inconnu- Agence EPA) avec la légende Fin juin 1994, un soldat français encadre l'entraînement de recrues hutues de l'armée rwandaise.
Photographie de Peter Turnley de l'agence Corbis avec la légende While a French soldier on patrol walks past, a group of Hutu militia men trains.
Que la France a entraîné des miliciens interahamwe ne fait plus de doute, même si l'armée française ne le reconnaît pas encore publiquement. Plusieurs rwandais en ont d’ailleurs témoigné. Et le 22 avril 2005 sur France Culture, Thierry Prungnaud, un militaire français qui s'occupait au Rwanda, en 1992, de la formation du GISGP, Groupement d'intervention et de sécurité de la garde présidentielle l'a confirmé : «Il y a des formations qui avaient également été faites sur des mercenaires civils à l'occasion d'entraînements que j'effectuais avec mes stagiaires où j'ai vu des militaires français former des civils rwandais en 1992 au tir. Bon, ça c'est fait plusieurs fois, mais la seule fois où je les ai vus, il y avait peut être une trentaine de miliciens qui étaient formés au tir dans le parc de l'Akagera.»
Un ancien militaire des FAR, le témoin DA, a déclaré, le 13 janvier 2005 devant le TPIR (affaire Militaire II, Bizimungu et al) : « Vers fin 1992, dans une forêt près du camp Gabiro (est du Rwanda), des interahamwe recevaient un entraînement militaire. Ils étaient formés par des militaires rwandais mais aussi par des instructeurs militaires français qui dispensaient les techniques de survie. Les miliciens s'y relayaient par cohortes de 500 à 600 personnes », a-t-il affirmé soulignant avoir passé au camp Gabiro près de deux mois vers la fin 1992. « Les différentes compagnies du bataillon de reconnaissance se relayaient à Gabiro pendant la guerre », a-t-il expliqué. Il a indiqué que le camp de la garde présidentielle (GP) à Kimihurura (Kigali) avait également servi de cadre d'entraînement pour la milice. « Vers fin mai 1993, j'ai vu à deux ou trois reprises des miliciens s'entraîner au camp GP. Les instructeurs étaient surtout des militaires rwandais, dont certains de la GP, mais aussi des militaires français », a déclaré le témoin (source Agence Hirondelle).
Mais il n'existe pas d'images connues à ce jour de ces entraînements de miliciens interahamwe par des militaires français.
Il est donc tentant pour des journaux de publier les photographies prises en juin 1994 sur la route entre Goma et Gisenyi, au moment où l'armée française était présente au Rwanda et au Zaïre (actuel RDC) pour «l'opération Turquoise ». Le journal belge Le Vif vient de publier la photographie ci-dessus, légendée comme suit : « Fin juin 1994, un soldat français encadre l'entraînement de recrues hutues de l'armée rwandaise. »
Cette image est impressionnante. Sauf qu'elle est complètement anodine.
L'agence Corbis met à disposition du public les séries complètes des photographes Peter Turnley et Thierry Orban qui, contrairement au journal Le Vif, n'ont vu que des miliciens ou ex-FAR à l’entraînement passant devant des militaires français de l’opération Turquoise, on peut lire notamment cette légende sous une photographie similaire à celle du journal Le Vif : While a French soldier on patrol walks past, a group of Hutu militia men trains. Le journal rwandais The New Times avait commis la même erreur en décembre 2006.
Le dossier France-Rwanda est suffisamment complexe et sensible, il est inutile d'y ajouter de la confusion.
Laissez la tyrannie régner sur un mètre carré, elle gagnera bientôt la surface de la terre, François Mitterrand, dans l’abeille et l’architecte (1980)
Les droits de l'homme ne valent que parce qu'ils sont universels. Jacques Chirac. Extrait d'un discours pour le 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage - 23 Avril 1998
Les pays occidentaux ont tous signé des chartes de droit de l’homme exemplaires et toute personne vivant sur cette planète ne peut que s’en féliciter. Pourtant, leurs militaires ont encore du mal à les emporter avec eux lorsqu’ils sortent de leurs pays. Les exemples sont nombreux, et aucune armée occidentale (obéissant toujours aux ordres de leur gouvernement), ne s’est montrée exemplaire en opérations militaires extérieures. Mais les images manquent.
La vidéo que j’ai jointe est un montage de deux reportages réalisés vraisemblablement le 11 ou le 12 avril 1994, par deux personnes différentes : Els de Temmerman, une journaliste belge et, certainement, un militaire belge qui a tourné ces images pour le service de presse de l’armée belge. Nous sommes à Ndera, un asile psychiatrique tenu par les religieux belges de la « congrégation des frères de la charité », non loin de l’aéroport de Kigali. Cet asile est encerclé par des miliciens interahamwe, ils veulent assassiner les nombreux Tutsi qui se sont réfugiés auprès des européens pensant y trouver protection.
Lorsque l’officier en charge du commando belge de l’opération Silverback arrive, il est accueilli par un homme affolé, soulagé de voir enfin arriver du secours, qui lui dit qu’ils sont « cinq frères, une soeur blanche et deux autres personnes », il précise qu’un néerlandais rechigne à abandonner sa femme rwandaise et ses enfants, mais il oublie les malades et les réfugiés rwandais qu’il appelait encore « mes frères » lors des fêtes pascales de la semaine précédente. Elles sont pourtant les seules personnes réellement en danger de mort !
L’officier se présente devant les réfugiés. Un homme dit qu’ils vont mourir si on ne les sort pas de là. Une femme supplie, elle essaye de rester calme pour que ces militaires la comprennent. La plupart des rwandais ont les mains jointes, ils implorent les soldats de les protéger.
Les militaires belges embarquent les ressortissants étrangers, menaçant de leurs armes les réfugiés, dont de nombreux enfants, qui auraient eu l’idée de monter de force dans les camions mis à disposition des européens. Peu après, les miliciens interahamwe extermineront la totalité des rwandais que l’on voit dans ce reportage.
Aujourd’hui, après certainement une opération de nettoyage d’envergure, les autoproclamés « frères de la charité » ont repris la direction de l’hôpital psychiatrique. Leur site reste muet sur le massacre.
"Atmosphère à Kigali", lundi 11 avril 1994. Photo : Gilbert Liz/Corbis Sygma
Le 12 avril 1994,Ferdinand Nahimana fondateur de la Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), Eugène Mbarushimana, secrétaire général du comité national des interahamwe et 176 autres compatriotes rwandais, ont peut être regardé les maisons en feux des hublots de l’avion militaire français qui les conduisait vers le Burundi, peut-être même qu’ils ont vu ce qui se passait à Ndera, mais ce n’est pas sûr, il pleuvait ce jour-là.
Tous les hommes ont mêmes droits... Mais du commun lot, il en est qui ont plus de pouvoirs que d'autres. Là est l'inégalité. Aimé Césaire. Extrait de La Tragédie du roi Christophe.
Je suis Rwandaise, je vis en Europe depuis une dizaine d'années. Mes parents et mes grands-parents m'ont transmis les valeurs traditionnelles rwandaises auxquelles j'attache beaucoup d'importance. Rescapée du génocide des Tutsi où j'ai perdu la totalité de ma famille, je suis particulièrement attentive à l'histoire du génocide et à la justice qui est rendue au nom des victimes du génocide.