La ministre rwandaise de l'Information a accusé les radios BBC et Voice of America (VOA) de "détruire l'unité des Rwandais" à travers leurs programmes en langues rwandaise et burundaise. Elle a averti que le gouvernement rwandais a "la capacité et le droit" de suspendre la diffusion de ces émissions sur son territoire si la situation ne change pas. (AFP 19.08.08)
Je me souviens des collines du Rwanda, lors des difficiles moments de la guerre dite « d’octobre ». Radio Rwanda, la seule et unique radio du pays inondait le Rwanda de nouvelles le plus souvent fausses, parfois même déshumanisantes, comme le jour où le journaliste vedette nous disait le plus sérieusement du monde que les inyenzi du FPR avaient des poils partout comme des animaux de la forêt, ainsi que d’autres insanités de tout genre. On pouvait entendre sur Radio Rwanda la publicité des deux autres médias officiels, le journal en langue française La Relève ("La Relève, La Relève c’est l’information fouillée et … farfouillée ! ", nous disait Radio Rwanda) et celui en kinyarwanda : Imvaho. En dehors du journal de l’église catholique, Kinyamateka, c’était tout ce que le Rwanda offrait aux Rwandais en matière de médias avant l’arrivée du multipartisme et des journaux d’opposition (1991)*.
Alors bien entendu, nous écoutions les médias étrangers en OC (ondes courtes) : RFI, La voix de l’Amérique, BBC, la Deutsche Welle... Fébrilement, passionnément mais… discrètement car c’était strictement interdit par le régime Habyarimana. Je me rappelle comment j’écoutais très doucement, tous les soirs, chez moi sur une colline au nord de Kigali les nouvelles du monde et surtout du Rwanda dont on était privé. Puis je racontais tout, longuement, dans les moindres détails, à ma grand-mère et à ma tante Mariya, traduisant les informations dans le Kinyarwanda le plus pur à leur intention. Elles m’écoutaient comme elles auraient écouté les grands conteurs rwandais.
Alors bien entendu, nous écoutions les médias étrangers en OC (ondes courtes) : RFI, La voix de l’Amérique, BBC, la Deutsche Welle... Fébrilement, passionnément mais… discrètement car c’était strictement interdit par le régime Habyarimana. Je me rappelle comment j’écoutais très doucement, tous les soirs, chez moi sur une colline au nord de Kigali les nouvelles du monde et surtout du Rwanda dont on était privé. Puis je racontais tout, longuement, dans les moindres détails, à ma grand-mère et à ma tante Mariya, traduisant les informations dans le Kinyarwanda le plus pur à leur intention. Elles m’écoutaient comme elles auraient écouté les grands conteurs rwandais.
Aujourd’hui, plusieurs grandes radios internationales offrent des programmes FM en kinyarwanda unique langue parlée par 80% des rwandais. La ministre de l’information, Mme Louise Mushikiwabo déclare que certains de ces programmes sont « mensongers » et menace de suspendre leur diffusion « si la situation ne change pas ».
Rappelons que depuis la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda, le Rwanda a fermé le relais FM de RFI fraîchement installé en octobre 2005. J’ai trouvé cela extrêmement regrettable. RFI, même si c’est une radio publique, a toujours su rester indépendante, elle a effectué un travail remarquable entre 1990 et 1994, restant toujours d’une neutralité parfaite, malgré les pressions qu’elle a certainement subies de la part de certains politiques français et/ou rwandais, comme le prouve la Mission d'étude sur le Rwanda – (Analyse du contenu des journaux Afrique de RFI du 2 oct. 1990 au 18 juillet 1994).
Nous sommes au XXIe siècle et il est parfaitement vain d’essayer de censurer des radios, surtout dans un pays comme le Rwanda qui a pour objectif de devenir le pôle internet de l’Afrique de l’Est. Dans tous les centres de négoces du pays, l’internaute rwandais a aujourd’hui accès à tous les médias internationaux, radios comprises…
Bien sûr, les journalistes doivent avoir des limites déontologiques. N’oublions pas que le Rwanda est le pays qui a engendré (en 1993) la tristement célèbre Radio Télévision Libre des Milles Collines (RTLM). Une radio qui a eu un rôle très important dans le génocide des Tutsi (lire le livre Les médias du génocide publié sous la direction de JP Chrétien). Le gouvernement rwandais est donc légitimement attentif à ce qu’aucun discours de haine ne soit aujourd’hui diffusé au Rwanda. Si certains journalistes rwandais diffament des citoyens rwandais dont des autorités rwandaises, alors il est légitime pour ces personnes, d’exposer leurs griefs devant un tribunal rwandais qui tranchera.
Mais censurer un média n’est pas la bonne réponse. L’histoire a prouvé que la censure avilit le censeur et renforce le censuré. Un débat ouvert et sain, une réponse claire aux critiques émises par des journalistes est toujours plus efficace.
* A cette époque, le Rwanda était un des derniers pays du monde à n’avoir pas de télévision nationale, les premières émissions débutèrent en 1993.
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Mise à jour : le Rwanda vient de mettre ses menaces à exécution, il a interdit la diffusion des programmes de la BBC en langue kinyarwanda. Lire l'article de New Times daté du 26 avril 2009.